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Brèves et cetera
17 août 2017

Ode aux festivaliers du Brionnais

Le Brionnais est un petit territoire de Bourgogne; mais pas la Bourgogne du vin, non, non, non; la Bourgogne de la vache!  Des milliers de vaches blanches y broutent inlassablement l'herbe de grandes prairies entourées de murs en pierre; des petites routes y montent, y descendent et y tournent pour relier les églises romanes des  petits villages ; et de-ci de-là, on rencontre des habitants qui parlent en mettant des « Y » partout! c'est ça le Brionnais! 

Alors forcément, le festival de musique classique du mois d'août, ça excite les curiosités des habitants, des touristes et peut être même aussi celle des vaches!

Une semaine par an, les Brionnais se transforment en festivaliers. Y'a plus de règles, plus d'horaires, plus de vaches qui tiennent : ils vont y aller au festival du Brionnais!

Le matin, le midi, le soir, les mélomanes, les amoureux de musique et les nostalgiques d'une riche vie culturelle passée répondent présents. Pour rien au monde ils ne voudraient rater ces petits instants de bonheur.

Alors tous les jours à midi pétante et tous les soirs à 20:30 tapante, tous ces festivaliers se pressent sur les hautes marches de l'heureuse église romane élue pour l’occasion. L'élégance est de mise mais vu le climat changeant de ce mois d'août, les accessoires sont variés: pull, écharpe, veste, éventail, parapluie... et pour les festivaliers aguerris au fessier meurtri, un petit coussin. 

Une fois entré, chacun cherche sa place, sur les bancs, sur les chaises d'églises, sur les quelques chaises plastiques ajoutées pour l'occasion, ou, pour les moins chanceux, sur les prie-Dieu; la barre en bois vous coupe le dos en deux et il est préférable, si vous ne voulez pas vous mettre a genou, de se tourner vers les bancs en pierre du déambulatoire, sans vue sur les musiciens mais frais et presque confortables. 

Le concert commence. C'est sublime, ça transporte, le son résonne magnifiquement. Mais même envouté par ce son céleste, les festivaliers ont du mal à rester en place sur ces spartiates assises. Chacun cherche sa position : Droit comme un i, penché sur l'avant, penché sur l'arrière, les jambes croisées, décroisées, recroisées ; le menton dans la main gauche, le menton dans la main droite, le menton dans les 2 mains, le front appuyé sur les 2 poings, tel le penseur de Rodin... et oui, une vérité est révélée ici: Le penseur ne pensait pas, il était juste très mal installé sur son bloc de pierre!! 

Une fois que le corps a trouvé sa place, reste l'attitude: la majorité de l’assistance fixe les musiciens avec un air absorbé; certains dodelinent de la tête au rythme de la musique, tel le chien en plastique sur les plages-arrières des voitures; d'autres pianotent vaguement, très vaguement, la mélodie avec leurs doigts; enfin, quelques téméraires vont même jusqu'à fredonner l’air joué, mais ils sont rapidement calmés par les regards appuyés de leurs voisins! 

Il y a évidemment la technique des yeux fermés pour capturer la grâce du moment, tête penchée en avant, telle une prière... mais il faut bien l'admettre, la frontière entre la sieste et l'écoute intérieure est mince, surtout à 22:30. 

Et puis il y a les irréductibles voyeurs : ils doivent voir les mains des musiciens, coute que coute. Alors s’ils n’ont pas eu les places du premier rang ou si l’angle de vue de leur place ne leur assure pas un plein champ sur les mains des artistes, ils abandonnent leur chaise et se transforment en équilibriste ; ils escaladent les colonnes, les chaises, les prie-Dieu pour pouvoir observer la danse des mains des musiciens.

Quand l’archet se lève et que la pianiste respire enfin, c’est un tonnerre d’applaudissements qui résonne. Des bravos fusent à gauche à droite, les battements de mains se font plus rythmés pour que les bis soient joués puis les lumières se rallument et apparaissent au grand jour les quelques endormis, les rares soulagés mais surtout une majorité de Brionnais ravis aux yeux émerveillés et aux commentaires enjoués

Un p’tit verre de vin et un excellent chocolat plus tard, les festivaliers empruntent leurs p’tites routes qui montent, qui descendent, qui tournent pour rentrer chez eux. En chemin ils croisent des vaches qui broutent et ils se disent qu’ils ont bien fait d’y venir à ce festival !

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